Exposition égyptienne

Voilà une petite histoire que j'avais commencé il y a longtemps, j'ai décidé de la terminer aujourd'hui. Ne faites pas attention à l'orthographe, ça n'a jamais été mon fort

Toutes ces choses dont elle rêvait depuis sa plus tendre enfance s'étendaient enfin devant elle; des colonnes et sculptures majestueuses la dominant de toute leur hauteur. Elle ressentait à ce moment précis un bonheur indescriptible, une félicité totale; le monde autour était occulté, repoussé au second plan face à ces splendeurs de l'histoire au passé si mystérieux et envoûtant.

Ses parents avaient beau s'évertuer à lui dire de les attendre, elle ne pouvait demeurer en place plus d'une seconde et se jetait comme un ogre affamé sur les expositions suivantes. Toute sa vie elle avait attendu ce moment. Ce moment où elle pourrait enfin se sentir renaître et se sentir réellement à sa place parmi toutes ces figures royales figées pour l'éternité dans le marbre et la pierre. Elle sentait plus que jamais cette connection magique qui l'avait poussé la première fois à ouvrir ce livre que sa grand-mère lui avait offert. Depuis elle ne l'avait plus quitté,comme les centaines d'autres volumes qui trônaient perpétuellement dans le plus grand désordre sur son minuscule bureau.

La magie était née à partir d'une seule image, une seule. Mais celle-ci avait suffit à l'hypnotiser pour l'éternité. Une simple pyramide. Un chef d'oeuvre de construction humaine semblant se narguer du temps et des intempéries; résistant à tous les assauts de ces pillards ou autres gens dépravés ne se souciant guère de préserver ce patrimoine inestimable. Quatre côtés de pierres brutes, s'élevant vers le ciel telle une flèche enchantée pour percer les nuages et rejoindre l'éternité. Même pas une des pyramides les plus belles ou les mieux entretenues; non seulement une pyramide qu'elle savait sacrée, immortelle, et magique.

Dans sa tête depuis l'instant où ses yeux se posèrent sur elle, où ses doigts effleurèrent le papier glacé; tout un univers inconnu s'était ouvert à elle. Un désir ardent d'appartenir à ce monde, une soif de connaissance qui ne s'épuiserait jamais. Elle avait su alors où se trouvait sa voie, ce que son destin lui réservait.

Des reportages, des coupures de presse, des photos de journaux découpées à la hâte, des cartes postales, des fiches informatives, des classeurs intarissables sur le sujet, des exposés, des figurines en plastique ou en porcelaine, des alphabets griffonés sur les murs, des planches entières de hiéroglyphes qu'elle s'efforçait à grand peine de traduire pour en percer l'ultime mystère...Tout dans sa vie reflétait son goût pour ce pays ancestral, peuplé de choses étranges et passionnantes, où le passé est plus visible que jamais et accessible à tous. L'Egypte, le berceau de ses rêves de toujours.

Alors quelle ne fut pas sa joie lorsque son père en rentrant un soir de son travail, lui avait annoncé qu'une exposition sur les Trésors de l'Egypte se tiendrait ici dans quelques jours. Une exposition ouverte à tous où la passion de sa vie pourrait prendre corps, où la réalité dépasserait l'imagination.

-Sandy attends-nous ou bien nous faisons demi-tour pour rentrer à la maison!

C'était la cinquième mise en garde de sa mère, et la fillette savait qu'à la prochaine elle mettrait ses menaces à exécution. Elle soupira donc avant de se retourner, et les attendit les bras croisés en tapant du pied sur la moquette bleu nuit. Cela faisait plus de cinq minutes qu'ils étaient devant cette statuette, mais enfin ils n'avaient nul besoin de contempler la même chose durant un laps de temps infini! Le simple fait de l'aperçevoir de loin ne serait-ce qu'une seconde était déjà un miracle en soi à ses yeux; ce n'était pas la peine de rester figé devant une seule de ces merveilles! Il fallait voir les choses dans leur ensemble, regarder tout d'une manière rapide mais soignée et précise; d'une manière élaborée qui n'admettait pas de perdre du temps sur une seule chose!

Les adultes ne savaient vraiment pas apprécier le délice d'une telle expérience, l'engouement si prenant qui voulait vous faire dévorer du regard tout ce qui se trouvait alentour. Non, eux ils restaient à bavarder bien bêtement en pointant du doigt des symboles auxquels ils n'entendaient strictement rien!

Et maintenant la voilà obligée de mettre en attente ces splendeurs majestueuses. Depuis l'âge de 5 ans elle ne rêvait que d'un instant comme celui-là; et il fallait qu'ils la privent de son bonheur en lui imposant des interdits! Décidément les parents ne comprenaient vraiment rien si cela ne relevait pas de politique ou de problèmes sociaux! Ils avaient visiblement oublié le rêve et l'évasion d'un tel moment.

Eh bien elle n'était pas disposé à attendre plus longtemps en laissant filer cette occasion de se plonger à corps perdu dans cet univers fantastique qui l'avait accueilli il y a de cela tant d'années. L'exposition allait bientôt fermer ses portes, il était hors de question qu'elle râte tout ce que cet endroit lui réservait comme surprise, tout ce que cet endroit recelait de mystères. Il n'avait pas visité la moitié des salles, et si ses parents continuaient ainsi, ils devraient partir avant même d'avoir vu le plus intéressant. Et ils refuseraient sûrement de revenir un autre jour.

Pas question! Elle ne l'accepterait pas! Elle n'avait peut-être que 11 ans mais savait très bien comment tromper la vigilance de quelqu'un et surtout obtenir ce qu'elle désirait.

C'est donc avec la plus grande discrétion qu'elle se faufila hors du champ de vision de ses parents. Le bruit de ses chaussures était étouffé par la moquette et la présence de visiteurs rendait sa fuite d'autant plus simple. Plus que deux minutes avant que les vigils ne les fassent sortir; il fallait faire vite.

-Où est encore passé Sandy? demanda la mère de celle-ci en scrutant les alentours.
-Oh cette petite est vraiment intenable, grommela son père; c'est la dernière fois qu'on l'emmène dans une exposition!
-La salle va fermer ses portes! annonça un grand homme vêtu de noir avec une talkie-walkie dans la main. Mesdames et Messieurs veuillez vous dirigez vers la sortie. Merci.
-Mais on ne peut pas partir sans Sandy!
-Ne t'inquiète pas chérie, elle est probablement dehors en train de nous attendre en ronchonnant de ne pas avoir eu le temps de visiter la boutique de souvenirs. Allez viens, ou bien nous allons rester enfermés ici toute la nuit.

Les deux époux se dirigèrent donc en silence avec les autres visiteurs vers la sortie; ils étaient loin de se douter que leur fille n'était pas du tout dehors en train de les attendre, mais qu'avec la plus grande habileté elle était parvenue à se dissimuler derrière la tenture qui recouvrait le mur de la salle des Pharaons.

Les lumières s'éteignirent avec un grand bruit qui fit sursauter Sandy; immédiatement après, de petites ampoules placées sur chacune des sculptures exposées s'allumèrent en rendant à la salle un minimum de clarté. Elle respira de nouveau normalement, durant une seconde elle avait craint d'errer dans le noir toute la nuit.

Risquant un oeil hors de son abri de fortune, elle ressera son écharpe autour de son cou. Le froid commençait à envahir les lieux, mais peu lui importait.

Aucun vigil ou personne d'aucune sorte en vue. Tout en esquissant un sourire satisfait elle se glissa dans la salle pour enfin en admirer librement la splendeur incontestée.
Des dizaines de vitrines se dressaient dans la vaste salle faiblement éclairée. Elle s'approcha de chacune d'elles avec l'agréable sensation de se trouver enfin à sa vraie place. Elle passait de salle en salle en sautillant gaiement et en s'extasiant devant la beauté de ces trésors antiques. Des statuettes de divinités, des amulettes protectrices, des bijoux...tout était là.

Sandy était aux anges, transportée dans un autre monde loin de toutes les contraintes. Elle laissa éclater sa joie et se mit à danser en sautillant. Les gardiens ne débuteraient pas leur ronde avant un moment, elle avait donc tout le temps nécessaire pour poursuivre son exploration en toute liberté.

Le couloir qu'elle emprunta débouchait sur un vaste endroit, ci et là d'imposantes statues de marbre jetait un regard dur sur la fillette. Elle n'était pourtant nullement impressionnée et savourait chaque seconde comme si c'était la dernière.

Dansant en effleurant les trésors qui hantaient ses nuits, Sandy ne remarqua pas une chose bouger dans l'ombre. Elle n'entendit pas ce grincement infime mais pourtant perceptible qui s'éleva dans le coin de la pièce. Elle était comme déconnectée de la réalité, son esprit ne faisait plus qu'un avec toutes ces merveilles étincelantes qui trônaient autour d'elle.
Cependant, contrairement à ce qu'elle croyait, elle n'était pas seule. Des présences étranges rôdaient dans la pièce en compagnie de la fillette qui se perdait dans ses songes. Les yeux fermés et fredonnant une douce mélodie, Sandy ne vit pas cette chose se dirigeait lentement vers elle. Un autre craquement se fit entendre; plus fort cette fois-ci. Elle ouvrit alors les yeux et soudain se paralysa d'effroi.
Bougeant comme un squelette immobilisé depuis fort longtemps, la statue d'Aménophis s'éveillait peu à peu. De la poussière s'échappait alors que ses jambes s'élevaient de son socle pour atterir avec un bruit mat sur la moquette sombre. Dans ses yeux brillait une lueur vive. Sandy réprima un cri et porta sa main à la bouche en tremblant. La statue se tenait à présent bien droite sous le plafond voûté et embrassait la pièce du regard. Lorsque son attention se porta sur la fillette, il amorça un geste et un grognement retentit derrière elle.
Elle fit volte face et se retrouva nez à nez avec un gigantesque chien noir aux oreilles pointues qui dardait ses yeux vengeurs sur elle. Sandy recula pas à pas et se heurta violemment à un objet dur et froid. Craignant ce qu'elle allait découvrir, elle se retourna et poussa un cri étouffé en aperçevant une grande dame en pierre qui l'observait en silence.
Sandy regarda tour à tour chaque objet de la collection prendre vie doucement, comme si une puissante entité s'était emparé d'eux. Elle était encerclée, chaque statue la fixait avec un regard froid. Ils se rapprochaient tous inexorablement en soulevant un nuage de poussière à chacun de leurs pas.

Son coeur battait à tout rompre, de la sueur perlait sur son front. La peur avait envahi chaque cellule de son être. Elle ne savait pas quoi faire, son rêve de toujours se muait en cauchemar.

Un petit cri perçant lui fit tourner la tête, avançant difficilement comme un pantin désarticulée, une forme inquiétante se dessinait devant elle. Une odeur nauséabonde régnait dans la pièce. La chose se mouvait avec un bruit de frottement et pénétra lentement dans le faisceau de lumière en éclairant toute l'horreur de sa nature. Les bandelettes trainaient derrière elle, jaunies et parsemées de particules de moisissure.
Sandy avait les mains moites et froides, le sang lui battait les oreilles. Chaque poil de son corps s'était hérissé en voyant cette momie se rapprochait.
A quelques centimètres de la fillette, ses assaillants surnaturels stoppèrent leur progression. Sandy leur jeta un regard désespéré avant de se laisser glisser au sol en poussant des gémissements.
Une lumière aveuglante inonda tout à coup la pièce; quand elle s'estompa tout était redevenu normal. Chaque objet avait repris sa place initiale.

Quelques minutes plus tard, s'inquiétant de ne pas trouver leur fille à l'extérieur, les parents de Sandy pénétrèrent en trombe dans la salle d'exposition en compagnie de deux gardes de nuit.

-Vous voyez bien qu'elle n'est pas là, grommela l'un d'eux qui n'avait pas du tout apprécié d'être menacé de poursuites judiciaires par cet homme se vantant d'être un grand avocat.
-Elle est forcément ici, se lamenta sa mère en sanglotant.

Elle fit le tour de la pièce en cherchant dans toutes les cachettes possibles, et se figea en parvenant dans un coin où une barrière empêchait d'atteindre diverses sculptures en granit dressées sur un socle en bois.

-Harry, fit la femme dans un murmure d'effroi.

Son époux se précipita auprès d'elle et s'effondra à terre en hurlant.
Devant eux, une petite sculpture se mélangeait aux autres. Une sculpture représentant une fillette apeurée recroquevillée en position fétale qui tenait fermement un objet dans sa main. Un prospectus vantant les mérites de l'exposition égyptienne.
Les vigils accoururent à leur tour et contemplèrent médusés, l'image de cette enfant aux traits figés pour l'éternité dans une attitude de profonde frayeur. Une enfant vêtue sobrement d'une jupe et d'une veste chics, une écharpe nouée autour de son cou.

Désirant depuis si longtemps faire partie intégrante de ce monde, Sandy reposerait désormais à jamais au milieu des merveilles qu'elle avait tant chéri.